Interview avec Richard Loyen, délégué général d’Enerplan
Le solaire thermique, bien que moins médiatisé que le photovoltaïque, joue un rôle clé dans la décarbonation et la transition énergétique. Richard Loyen, délégué général d’Enerplan, nous éclaire sur cette technologie qui permet de produire de la chaleur à partir du soleil. Il partage son expertise sur les applications industrielles et domestiques du solaire thermique, les innovations de stockage, et l’importance de la formation pour soutenir la croissance de ce secteur. Découvrez dans cette interview comment le solaire thermique se positionne en tant que solution compétitive et complémentaire pour un avenir énergétique plus durable.
Question : Pouvez-vous vous présenter et expliquer ce qu'est Enerplan ?
Richard Loyen : Bonjour, je suis Richard Loyen, délégué général d’Enerplan, le Syndicat des professionnels de l’énergie solaire en France. Enerplan regroupe près de 400 entreprises couvrant toute la chaîne de valeur de l’énergie solaire : industriels, développeurs, distributeurs, bureaux d’études, mais aussi compagnies d’assurance et fonds d’investissement. Notre mission est de promouvoir et de développer la chaleur solaire en France.
Question : Qu'est-ce que le solaire thermique ?
Richard Loyen : Le solaire thermique, c'est la production de chaleur solaire, utilisée depuis des décennies pour l’eau chaude et le chauffage. C’est une solution particulièrement performante, avec une productivité quatre fois supérieure par mètre carré à celle du photovoltaïque, souvent associée à un ballon de stockage pour l’eau chaude et le chauffage. Ces dernières années, de nouvelles applications émergent, notamment dans l'industrie et les réseaux de chaleur, secteurs où le solaire thermique peut jouer un rôle important dans la décarbonation, comme on le voit dans des projets à Narbonne.
Question : Comment fonctionne le solaire thermique ?
Richard Loyen : Le solaire thermique capte la lumière du soleil pour la transformer en chaleur grâce à des capteurs (plans ou sous vide), puis transfère cette chaleur vers un ballon par un échangeur. Cette technologie, simple mais robuste, a fait ses preuves avec des installations fonctionnelles depuis plus de 40 ans. Elle s’applique partout où il y a un besoin de chaleur : piscines municipales, eau chaude sanitaire, chauffage collectif, mais aussi pour des applications industrielles, comme dans l’agroalimentaire. Le solaire thermique peut produire de la chaleur de 40 à 400 degrés, selon les technologies, et se combine parfaitement avec d’autres énergies renouvelables, telles que le bois et la géothermie.
Question : Quelles sont les applications du solaire thermique pour la décarbonation ?
Richard Loyen : Dans une démarche de décarbonation, l’électrification, notamment via le photovoltaïque, est une voie importante. Cependant, il est également essentiel de produire de la chaleur pour limiter la consommation de gaz, y compris de biogaz, qui reste coûteux. Le solaire thermique permet de réduire le recours à la combustion. Une application émergente est le stockage intersaisonnier, qui consiste à stocker la chaleur estivale pour l’utiliser à l’automne et au printemps. Cette technologie, déjà développée au Danemark et en Allemagne, est maintenant en phase de déploiement en France.
Question : Comment voyez-vous l'évolution du solaire thermique en France ?
Richard Loyen : Le solaire thermique est en pleine expansion. J’ai rejoint Enerplan en 1999 pour le premier plan de développement de la chaleur solaire en France, visant la production d’eau chaude sanitaire et le chauffage. Aujourd’hui, des milliers d’installateurs travaillent dans le solaire thermique, mais le manque de professionnels qualifiés, notamment dans les bureaux d’études, freine le développement de grands projets collectifs. Il est donc essentiel que les professionnels se forment pour atteindre les objectifs ambitieux d’un marché de plus d’un million de mètres carrés installés chaque année. L’État publiera bientôt un plan pour la chaleur solaire, similaire à celui pour la géothermie.
Question : Quelles sont les perspectives économiques de la chaleur solaire ?
Richard Loyen : La chaleur solaire est compétitive, avec un coût de production de 0,08 à 0,15 € par kilowattheure, ce qui la rend intéressante par rapport à l’électricité, dont le prix varie entre 0,20 et 0,25 €. Des aides, comme le fonds chaleur, sont disponibles pour les particuliers, offrant des retours sur investissement de 10 à 12 ans, en fonction du coût de l’énergie remplacée et de la consommation annuelle.
Question : Comment le solaire thermique peut-il être associé à d’autres énergies renouvelables ?
Richard Loyen : La chaleur solaire se combine parfaitement avec d’autres sources renouvelables, comme la géothermie. Par exemple, en injectant de la chaleur solaire basse température (40°C) dans le sol, on réduit la quantité d’énergie géothermique prélevée, ce qui préserve le sous-sol. Ce couplage, qui associe les deux technologies, est développé en partenariat avec l’Association française des professionnels de la géothermie (AFPG). Nous visons à déployer cette synergie pour les bâtiments individuels, les quartiers et les réseaux de chaleur.